Le protocole paléo auto-immun (AIP) est un régime alimentaire (et un mode de vie) qui aide les personnes atteintes de maladies auto-immunes à identifier les aliments qui aggravent leurs symptômes. Il consiste à éliminer certains aliments pendant un temps, puis à les réintroduire progressivement pour voir comment le corps réagit. Ce protocole vise aussi à améliorer la qualité nutritionnelle de l’alimentation, la qualité du microbiote et soutenir la réparation de la muqueuse intestinale.
Dès le départ, ce protocole s’est appuyé sur des études scientifiques. Le livre The Paleo Approach de Sarah Ballantyne, publié en 2014, référence plus de 2 000 études scientifiques à ce sujet [1]. Depuis plus de 10 ans, de nombreuses personnes dans le monde ont témoigné des effets bénéfiques du protocole AIP sur leurs maladies auto-immunes. Intrigués par ces résultats, certains médecins et chercheurs avisés ont commencé à étudier l’efficacité de ce protocole.
Cet article résume les recherches scientifiques menées jusqu’à aujourd’hui sur le protocole AIP.
L'AIP et les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI)
1 - Une première étude sur l'efficacité de l'AIP
La première étude sur l’AIP a été réalisée par le Dr Gauree Konijeti et son équipe à Scripps San Diego [2]. Ils ont suivi 15 patients atteints de la maladie de Crohn ou de rectocolite hémorragique qui ne réagissaient pas aux traitements classiques. L’étude s’est déroulée en deux phases :
• 6 semaines d’élimination progressive, où les patients ont retiré petit à petit certains aliments
• 5 semaines de stabilisation, avec un régime strict basé sur le protocole AIP.
Résultats : Dès la sixième semaine, 73 % des patients étaient en rémission, c’est-à-dire sans symptômes. Cette amélioration a été maintenue jusqu’à la fin de l’étude. Certains ont même pu réduire leur traitement médicamenteux.
Cependant, deux patients ayant des antécédents de chirurgie intestinale ont dû arrêter l’étude à cause de complications, probablement dues aux fibres présentes dans cette nouvelle alimentation. Cela montre qu’un suivi médical est essentiel avant d’entreprendre ce protocole, surtout en cas d’antécédent de chirurgie intestinale.
2 - L'AIP améliore la qualité de vie des patients
Une autre étude a analysé comment l’AIP influait sur la qualité de vie des patients atteints de MICI [3]. Elle a utilisé un questionnaire évaluant l’état de santé et le bien-être des patients à différents moments de l’étude.
Résultats : Les patients ont vu leur score de qualité de vie s’améliorer significativement, passant de 46,5 au début à 61,5 à la fin de l’étude.
3 - L'AIP et l’expression des gènes intestinaux (épigénétique)
Une autre étude a analysé comment l’AIP modifie l’expression génétique dans l’intestin [4]. Après l’intervention, 324 gènes avaient changé d’activité :
• Certains gènes responsables de l’inflammation étaient moins actifs
• D’autres, aidant à la réparation de la muqueuse intestinale, étaient plus actifs.
Ces résultats montrent que l’AIP pourrait avoir un impact biologique profond sur les MICI.
4 - Une enquête sur les MICI et l'AIP
Une enquête [5] a été menée auprès de 78 patients atteints de MICI utilisant l’AIP.
Résultats :
• 73 % des participants ont déclaré être en rémission clinique grâce à l’AIP
• 32 % ont pu arrêter les corticoïdes.
• Les aliments les plus difficiles à réintroduire étaient le gluten (pour 58 %), les aliments transformés (pour 52 %), les solanacées (pour 46 %), les produits laitiers (pour 42 %) et les céréales sans gluten (pour 29 %)

L'AIP et la thyroïdite de Hashimoto
Une étude a examiné l'effet de l'AIP sur la thyroïdite de Hashimoto [6].
17 femmes ont suivi le protocole pendant 10 semaines.
Résultats :
• Les symptômes ont diminué de 92 %
• 6 participantes sur 13 ont réduit ou arrêté leur traitement hormonal
• Une baisse de 29 % d’un marqueur inflammatoire a été observée.
Une étude polonaise sur l'AIP et la thyroïdite de Hashimoto
Une nouvelle étude menée en Pologne par Paulina Ihnatowicz et son équipe a analysé les effets du Protocole Auto-Immun (AIP) sur la thyroïdite de Hashimoto. Cette étude, portant sur 28 patients (dont 20 ont complété le programme), a mis en place une alimentation conforme aux principes de l’élimination AIP sur une durée de 12 semaines, sans phase de transition.
Résultats clés :
Apports nutritionnels : Forte augmentation de la densité nutritionnelle, notamment en bêta-carotène (+550%), fibres (+162%), folates (+198%), et vitamine C (+886%).
Évolution des paramètres thyroïdiens : Diminution significative de la TSH (de 3,72 à 2,69), bien qu’une légère baisse des hormones libres T3 et T4 ait été observée.
Changements physiques : Réduction du volume thyroïdien (5 à 6%), perte de poids moyenne de 3,5 kg, avec une diminution de la masse grasse (de 33% à 29,5%).
Amélioration des symptômes : Réduction significative de la fatigue (-53%), des troubles digestifs comme la constipation (-25%) et les ballonnements (-35%), des douleurs musculaires et articulaires (-36%), ainsi que des problèmes cutanés, dont la perte de cheveux (-32%).
Interprétation et implications
L’étude montre que l’AIP contribue à la réduction des symptômes de Hashimoto, même en l’absence de modifications majeures des hormones thyroïdiennes ou des anticorps anti-TPO. La diminution du volume thyroïdien et l’amélioration du bien-être général suggèrent un effet anti-inflammatoire et métabolique bénéfique.
Ce travail renforce l’intérêt de l’AIP comme outil de gestion des maladies auto-immunes, en mettant l’accent sur la densité nutritionnelle et l’amélioration des symptômes plutôt que sur les seuls marqueurs biologiques.
L'AIP et la polyarthrite rhumatoïde
Une chercheuse, Julianne Taylor, a mené des entretiens avec 10 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde qui suivaient l’AIP [7].
Résultats :
• Tous ont vu leurs douleurs réduites, voire disparaitre.
• L’obstacle principal était la difficulté sociale de maintenir le régime.
• Le soutien d’un proche facilitait l’adhésion au protocole.
Etudes en cours sur l'eczéma et le psoriasis
Une autre étude a été lancée en 2020 sur l’effet de l’AIP sur l’eczéma et le psoriasis.
Bien qu’il y ait eu quelques retards en laboratoire pendant la pandémie, nous nous attendons à ce que les résultats soient publiés prochainement ! Nous mettrons à jour cet article lorsque nous en saurons plus.
Conclusion : ce que l'on sait
L’AIP a montré des effets positifs sur plusieurs maladies auto-immunes. Il permettrait de réduire l’inflammation, d’améliorer la qualité de vie et, dans certains cas, de diminuer la prise de médicaments. Toutefois, ces résultats demanderaient encore plus d’études pour être confirmés à grande échelle et par rapport à davantage de maladies auto-immunes et d’autres maladies chroniques inflammatoires.
J’espère qu’après avoir lu cette critique, vous serez encouragé.e par l’état de la recherche sur l’AIP et désireux d’en savoir plus. La mise à jour de cet article avec de nouvelles recherches s’effectuera au fur et à mesure qu’elles seront publiées, alors restez connecté.e !
Avez-vous déjà testé l’AIP ? Partagez votre expérience en commentaire !
Références
Cet article est une adaptation francophone de cette publication originale en anglais de Mickey Trescott. Cette autrice est cofondatrice du site Autoimmune Wellness et co-enseignante dans la formation « AIP Certified Coach ». Après s’être remise de sa propre lutte contre la maladie cœliaque et la maladie de Hashimoto, la fatigue surrénalienne et de multiples carences en vitamines, Mickey a commencé à décrire son expérience AIP pour la partager et aider les malades auto-immuns à réaliser qu’ils ne sont pas seuls dans leurs luttes. Elle est titulaire d’une maîtrise en nutrition humaine et en nutrition fonctionnelle et est l’auteur de trois livres à succès : The Autoimmune Paleo Cookbook , The Autoimmune Wellness Handbook et The Nutrient-Dense Kitchen .
1. Ballantyne S. The Paleo Approch. 1. éd. publ. Las Vegas : Victory Belt Publ. ; 2013.
2. Konijeti GG, Kim N, Lewis JD, et al. Efficacy of the autoimmune protocol diet for inflammatory bowel disease. Inflamm Bowel Dis. 2017;23(11):2054-2060.
3. Chandrasekaran A, Groven S, Lewis JD, et al. An autoimmune protocol diet improves patient-reported quality of life in inflammatory bowel disease. Crohns Colitis 360. 2019;1(3):otz019.
4. Chandrasekaran A, Molparia B, Akhtar E, et al. The autoimmune protocol diet modifies intestinal RNA expression in inflammatory bowel disease. Crohns Colitis 360. 2019;1(3):otz016.
5. Lee J, Pedretti C, Konijeti G. Clinical course and dietary patterns among patients incorpo- rating the autoimmune protocol for management of inflammatory bowel disease (P12-010-19).
6. Abbott RD, Sadowski A, Alt AG. Efficacy of the autoimmune protocol diet as part of a multi-disciplinary, supported lifestyle intervention for hashimoto’s thyroiditis. Cureus. 2019;11(4):e4556.
7. Taylor J. Rheumatoid arthritis and the paleo diet – a qualitative study. 2020.
8.Ihnatowicz P, Gębski J, Drywień ME. Effects of Autoimmune Protocol (AIP) diet on changes in thyroid parameters in Hashimoto’s disease. Ann Agric Environ Med. 2023;30(3):513-521. doi:10.26444/aaem/166263
9.Abbott RD, Sadowski A, Alt AG. Efficacy of the Autoimmune Protocol Diet as Part of a Multi-disciplinary, Supported Lifestyle Intervention for Hashimoto’s Thyroiditis. Cureus. 2019;11(4):e4556. Published 2019 Apr 27. doi:10.7759/cureus.4556
10.Groenewegen KL, Mooij CF, van Trotsenburg ASP. Persisting symptoms in patients with Hashimoto’s disease despite normal thyroid hormone levels: Does thyroid autoimmunity play a role? A systematic review. J Transl Autoimmun. 2021;4:100101. Published 2021 Apr 15. doi:10.1016/j.jtauto.2021.100101
4 réflexions sur “La science derrière le protocole paleo auto-immun”
Article très intéressant et bien documenté ! Même si je n’ai pas appliqué l’AIP pour ma spondy, ce protocole a clairement un impact sur l’inflammation et le bien-être des personnes vivant avec une maladie auto-immune. Merci pour cette synthèse des études scientifiques, c’est précieux pour mieux comprendre les mécanismes en jeu !
Merci pour ton commentaire Caroline, à bientôt.
Bonjour,
Merci pour cet article. A quand peut on s’attendre à avoir des résultats d’études pour le psoriasis ?
Bonjour Lea,
merci pour ton commentaire. Je vois sur le site « autoimmunewellness.com » que l’étude a bien été lancée mais la recherche a « déraillé » une fois la pandémie arrivée. Les auteures du site espèrent que cela sera bientôt publié et elles l’annonceront dès qu’elles en sauront plus. Pour aller plus loin, tu peux lire le témoignage de Mary Hope Willard qui gère une arthrite psoriasique avec le protocole AIP sur https://autoimmunewellness.com/february-kitchen-tour/
Bonne journée.